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Mais oui.

jeudi 31 mai 2007

Fish back (retour sur poisson) : Un premier avril où tout est vrai à New York

Le dimanche premier avril 2007, j'ai rencontré quelqu’un qui m'a dit être allé au fameux bal noir et blanc, donné par Capote en 1966, et qui marque l'apogée mondaine de l'auteur en même temps que l'annonce de son déclin. C’était, je crois, vers la 59ème rue est, dans un endroit qui ressemblait beaucoup à une soirée du Rotary. Vous aviez d’abord une première salle, avec des hommes d’âge respectable, le plus souvent en costume, voire en Tuxedo. Au sol, la moquette verte rappelait le bureau que tous ces vieux élégants venaient de quitter, et où ils devaient avoir des postes à responsabilité. La seconde salle n’était pas plus impressionnante d’apparence, mais on y trouvait un piano à queue avec un pianiste qui connaissait à peu près tout ce qui peut être accompagné au piano, marquant une nette préférence pour Sinatra. Je lui demande ce qu’il a en Français : « La vie en Wose. That’s it » Mais moi, je ne suis pas sûr de connaître toutes les paroles et préfère laisser chanter ces émouvants vieillards, accoudés au piano par grappe de dix ou vingt, et qui reprennent des vieux tubes, seuls ou ensemble, parfois les larmes au yeux, semblant réellement s’amuser tout en goûtant ce fond de tristesse et de mélancolie qu’on retrouve dans les paroles de ce genre de chansons. Oui, vraiment, c’était une drôle de chose que ce concert là, cette camaraderie des vieux souvenirs, il y avait de l’émouvant là-dedans.

Ce n’est pas parmi eux que j’ai rencontré celui qui m’a confié être allé au bal noir et blanc. Il était assis sur une banquette avec un air jovial d’intellectuel de gauche américain, un peu gros mais pas tant finalement pour son âge. Avant cela, on avait parlé de sa fille, de son fils, de sa femme quittée vingt ans plus tôt pour un homme, avec qui il était resté cinq ans. Depuis, rien de bien stable. Car, en dépit des apparences, l’endroit n’est pas seulement un club de karaoké pour vieux nostalgiques, il s’agit aussi d’un bar fléché, où on peut rencontrer plus jeune ou plus vieux que soi, pour passer une nuit ou plus. Je précise bien sûr que tout cela est gratuit, et que ce n’est en aucun une sorte de maison close. Mais il est vrai qu’en y regardant de plus près, on peut voir dans cette foule grisonnante ou chauve, quelques jeunes entre vingt-cinq et trente ans, qui discutent avec d’autres hommes ayant, disons, plus d’expérience.

Mais revenons à Truman Capote et à mon interlocuteur, qui m’explique, après deux cocktails, qu’il tenait un magasin sur la cinquième avenue, auquel, j’imagine, se rendait Truman Capote, et que celui-ci l’avait donc invité. J’ai dit « Ben voyons ! » en riant un peu trop fort et je crois que ça l’a vexé. « Et alors, c’était comment ?
- Wonderfull. »
La réponse était courte, donc j’ai un peu insisté. Mais tout à coup, alors qu’on parlait depuis une heure, il n’a plus voulu rien m’en dire et, finissant son cocktail, il s’est levé en remettant son manteau.
- Je suis heureux d’avoir croisé quelqu’un qui est peut-être allé au bal noir et blanc, lui ais-je dit quand il est parti.
Il a fait un grand sourire et une petite courbette. Je crois qu’on s’est quitté bons amis et, après tout, il y a une chance pour qu’il ait dit la vérité, et je préfère garder cette chance là, en allant pas trop vérifier à quel magasin de la 5ème TC avait ses habitude.

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