Qu"est-ce que c"est ?

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dimanche 29 avril 2007

le bonheur, ce n'est pas la destination. C'est le voyage



New York est une ville qui sait compter. J'y loge dans un appartement de la 101ème rue Ouest, ce qui le place aux deux-tiers Nord de Central Park. Pour aller à Columbus Circle, on peut prendre le bus numéro 10 qui descend de Harlem ou le métro qui se cache sous Central Park Avenue. Deux rues après Columbus Circle, se trouve la 57è Ouest. Vers 200 et des poussières est situé un immeuble en brique avec de grandes fenêtres carrées où, au 21è étage, l'agent littéraire Andrew Wylie loue la suite 14, c'est-à-dire une surface de moquette épaisse avec des bureaux en bois également épais.

Il y a, à l'entrée, l'une des secrétaires les plus aimables au monde. Dans le genre, Wylie n'est pas mal non plus et il est clair qu'il sait mettre à l'aise. Enfin cela doit dépendre. Car dans le milieu littéraire il est simplement appelé le chacal, ce qui prouve que tout le monde ne l'aime pas, ou alors c'est un drôle de surnom. Car Andrew Wylie sait compter, et ne s'en cache pas. Il a, à son catalogue, des auteurs prestigieux, de Philippe Roth à Salman Rushdie, Orhan Pamuk ou Nicolas Sarkozy. Il a aussi de petits auteurs, des auteurs qui ne sont pas connus, qui vendent mal. Mais il aime leur travail, et c'est un investissement, petit auteur deviendra grand. Que pense-t-il de la France ? De très bonnes choses, évidemment, tant d'intelligence, tant de talent... Bien sûr, c'est un peu amusant de voir comme il est mal utilisé, comme on y préfère le bavardage à l'action...

Une rue plus haut, sur la 60ème rue, au 5ème étage de l'Alliance Française, Marie partage un bureau ludique avec une autre française. C'est une vidéaste qui assure la programmation du cinéma de l'Alliance. Elle a quitté la France il y a treize ans, et a décidé de rester. Que pense-t-elle de la France ? De très bonnes choses, bien sûr. Plus de bourses pour les artistes, le régime des intermittents... Seulement, malgré cela, les français jouent les enfants gâtés. Etre artiste en France est plus facile et pourtant elle entend qu'on s'y plaint. Ici, dit-elle, on travaille tous dans des cafés ou des magasins, mais on a envie de faire des choses. Il y a cet influx, ce courant.

Ainsi, à New York, tout le monde semble compter. Les pourcentages des ventes comme les pourboires chez Starbucks. Ce n'est pas un monde idéal, mais c'est un monde qui espère. Car le bonheur ici n'est pas tant d'avoir que de chercher à obtenir. Le bonheur n'est pas tant d'assouvir un désir que de tendre vers son assouvissement. C'est une philosophie. Le challenge est ce qui rend heureux. On lit dans les journaux gratuits des articles sur l'amour. Pour qu'il dure, il lui faut régulièrement être remis en cause. On voit dans ces mêmes journaux des tests concernant le travail. Si vous cochez trois fois la case B, vous auriez intérêt à démissionner. Le bonheur, ici, est "d'aller vers" plus que d'atteindre, tout le contraire de chez nous où ce qui compte est de garder les positions que nous ou nos parents ont atteintes. Voilà, pense-t-on ici, le gros problème de la France : la tristesse dans l'opulence. L'envie non pas de devenir mais celle de rester ce qu'on est, ou plutôt ce qu'on a été. Marie n'échangerait pas ses heures de travail à New York contre une bourse en France, elle n'échangerait pas l'espoir contre l'inquiétude, la liberté contre la sécurité.

Quand à Andrew Wylie, il rigole encore qu'on puisse passer des heures autour de cette question : la France est elle une grande nation ?

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