Qu"est-ce que c"est ?

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dimanche 29 avril 2007

vol stérile : Paris- Montréal sur un Toboggan


Un vol Paris - Montréal, ce n'est pas si long en fait, quand on discute avec l'hôtesse. Celle dont je parle, je l'ai rencontrée alors que je cherchais à m'asseoir sur la place réservée d'habitude au Toboggan à l'arrière de l'avion. Ca n'avait pas plu. Car il va sans dire que le Toboggan est dans un avion une chose considérable et il ne faudrait pas qu'il se déploie en vol sous le poids d'un journaliste français, fut-il de l'équipe de Jean Lebrun. Non, ce ne serait pas bien et on me le fit comprendre.

Le contact ainsi établi avec elle, je lui demandais sur un coup de tête, sans doute charmé par son assurance, son nouvel uniforme Lacroix, la manière qu'avaient ses mots de glisser entre les rangées comme sur une table de billard, le fait que je la soupçonne d'être chef de cabine, le nombre de kilomètres qu'elle avait parcourus dans les airs depuis le début de sa carrière, l'ennui aussi de rester assis à ma place, pour toutes ces raisons je me hasardais à lui poser une question : serait-il possible de rencontrer le commandant ? Mon hôtesse, aimable et sans chichi, naturellement encline à rendre service dans la mesure du possible et des prestations assurées par la compagnie, décrocha son interphone. Disons ici tout de suite que ce n'est pas tant le commandant que je souhaitais voir, mais plutôt le cockpit d'un 747 (ayant récemment accompagné un cheminot dans la cabine d'un TER entre Niort et La Rochelle, j'avais envie de comparer).

L'hôtesse chuchote ma demande dans le combiné, annonce que je suis français, me jette un coup d’œil, précise que je suis plutôt jeune, me lance un nouveau coup d’œil que j'ai trouvé professionnel c'est-à-dire pas trop gênant, répète que je suis français et que je suis jeune. A l'autre bout de l'interphone, le co-pilote a l'air favorable à ma demande et je crois réellement, à 14H30 au dessus de l'Atlantique, que je vais pouvoir serrer la main du commandant d'ici une dizaine de minutes et, surtout, compter les boutons du tableau de bord, vieux fantasme pas tout à fait assouvi malgré les efforts d'un cheminot de Poitou-Charentes.

Finalement, elle raccroche et me dit non. Sincèrement désolée mais n'en faisant pas trop non plus, avec ce sens de la mesure qui fait qu'on se sent bien en compagnie d'une hôtesse. Tout de même, j'étais déçu. Alors je reste discuter. L'hôtesse m'explique que les consignes sont très strictes sur les vols vers l'Amérique du nord, elle-même ne peut pas accéder au cockpit aussi facilement qu'auparavant et les passagers sont en théorie interdits. C'est ce qu'on appelle un vol stérile. Si l'un d'entre eux remarquait une entrave à cette stérilité (moi entrant dans le cockpit par exemple), il serait en droit d'assigner Air France en justice. Aux Etats-Unis, des téléphones verts ont été installés dans les aéroports et permettent de dénoncer anonymement les contrevenants.

Cette atmosphère de délation s'accompagne, me dit l'hôtesse, d'une vigilance accrue des passagers, notamment les Américains. Il est fréquent que l'un d'eux lui signale que tel ou tel autre passager se déplace beaucoup ou a un comportement étrange. Etrange est ici entendu au sens de "pouvant rappeler l'attitude d'un kamikaze" avant de "kamikazer".

Le bon côté de cela, me dit-elle, c'est que depuis le 11 septembre, les américains sont "plus humains, plus solidaires, ouverts, ils ont compris qu'ils n'étaient pas invincibles". Elle sait que s'il y avait un problème dans son avion, ils réagiraient immédiatement. Chaque fois qu'elle en a eu besoin pour maîtriser un passager hargneux ou un autre voulant allumer une cigarette, il s'est toujours trouvé quelqu'un sur ces vols transatlantiques pour lui venir en aide immédiatement. Chacun a en mémoire les héros du 11 septembre, et notamment ceux du vol qui s'est écrasé en Pennsylvanie, détourné de son objectif par les passagers eux mêmes. Personne ne comprendrait qu'on imite pas leur exemple.

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