Qu"est-ce que c"est ?

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Mais oui.

dimanche 29 avril 2007

Françoise Capote

Truman Capote et ma grand mère sont nés exactement la même année, l’une en Charente, l’autre à Moneroesville, près de la Nouvelle Orléans. Je pense pouvoir dire qu’ils ont eu tous les deux des vies très différentes, avec quelques points communs. Par exemple, ma grand mère fume, comme Truman, et elle boit un peu de Martini, mais dans des quantités moindres.

Cette coïncidence dans l’année de naissance m’a un peu troublée quand je m’en suis aperçu, car pour moi, ces deux personnes n’ont pas connu le même monde. Ma grand-mère fait partie du notre, celui de 2007, quand T.C. me semble appartenir à une histoire lointaine. D’ailleurs, je me demande comment deux personnes peuvent être nées la même année, et avoir fait des choses tellement différentes de leurs vies respectives. Bien sûr, il n’y a pas de raison de se ressembler à cause d’une date de naissance, mais tout de même, on associe les générations, les époques, et tous les deux ont fêté la même année leurs cinq ans, tous deux ont connu au même âge la même actualité, ce sont deux trajectoires lointaines et parallèles dans le siècle.

Evidemment, on se demande toujours si tout était tracé au départ ou non. Est-ce que, par exemple, l’âme de Truman Capote aurait pu être incarnée dans ma grand-mère ? Est-ce vraiment impossible à concevoir ? Et si ça avait été le cas, est-ce que Truman Capote aurait vécu une vie plus proche de celle de ma grand-mère ou serait-il resté lui même ? Est-ce que ma grand-mère serait sortie avec Jack Dumphy ?

Et puis ma grand mère a un accent anglais minable. Je pense qu’elle ne s’en serait jamais sortie à Moneroesville, tout le monde se serait moquée d’elle, enfin de lui. Truman Capote est plus crédible dans le rôle de ma grand-mère enfant, mais en revanche, je le vois mal élever ma mère. Je me demande bien ce que serait devenue ma mère si elle avait été éduquée par T.C. Et moi par ricochet. Avec mon grand-père, ils auraient parlé littérature, mais je ne pense pas que mon grand-père aurait bien supporté les infidélités de Truman Capote avec d’autres hommes.

A ce propos, il y a fort à parier que Truman Capote aurait vu au moins un avantage à être ma grand-mère, c’est qu’il aurait pu mettre dans son lit tout un tas de garçons sans que ça paraisse trop anormal. Evidemment, la Charente n’est pas le lieu le plus propice pour des extravagance pareilles, et même quand on respecte l’ordre protocolaire qui veut qu’un homme aime une femme et une femme un homme, on n’est pas autorisé à faire tout ce qu’on veut dans ce beau département, surtout à l’époque, disons dans les années quarante, 16 ans après la naissance de Truman et de ma grand-mère.

Alors les gens disent oui, le destin ça n’existe pas, c’est juste la somme des expériences qui fait qu’on devient ce qu’on est. C’est comme les dons, disent-ils, qui seraient une forme d’intelligence déguisée. Je trouve ça un peu facile comme analyse. Parce qu’en admettant qu’il suffise de stimuler sa créativité pour être avoir un don, d’où vient qu’untel ait envie de la stimuler et untel autre non ? Pour cela, je veux croire que ma grand-mère aurait écrit un livre et qu’elle l’aurait appelé Petit Déjeuner à Châteauneuf-sur-Charente.

1 commentaire:

matthieu a dit…

Truman Capote est partout à New York. J'ai encore vu un de ses livres sur l'étagère de Lane, qui est un américain blond aux dents alignées, à la fois aimable et sans pitié. Car nous sommes ici en pays très civilisé, où l'on élève pas en général la voix. Ce qui n'empêche pas d'être décidé, au moment de remporter un contrat à 100 000 dollars, ce que Lane doit impérativement faire cette semaine, sous peine d'être renvoyé. C'est une pression un peu désagréable, trouver en tout deux millions de dollars en partenariats divers pour du mécénat d'art. Il pense d'ailleurs à changer d'emploi, sans être apparemment ému de cette éventualité.
Lane vit dans un trente mètres carrés moderne et en désordre, au rez-de-chaussée d'un immeuble de Chelsea, l'un des quartiers gay de Manhattan. Voilà sans doute ce qui l'a conduit là, bien qu'il soit normalement musclé et n'ait pas de petit chien, au contraire des habitant typiques de ce quartiers. On parle de ce style comme des Chelsea boys. Accéder chez lui nécessite de passer sous l'escalier de l'immeuble. Les locataires des deux ou trois appartements du basement on entassé des vélos dans le couloir. Il a un lit très grand et très haut pour ranger dessous des chaussettes et des pyjamas, une lampe trouvée dans la rue, un grand placard retro-éclairant pour accrocher ses costumes (son préféré vient de Hong-Kong car les américains font des costumes trop larges à son goût), un mur orange dans la cuisine, gris derrière le lit, blanc partout ailleurs, ainsi qu'une étagère Ikéa sur laquelle siège Truman Capote. Voilà ou on voulait en venir.